Il s�est jur� de ne jamais quitter son pays. Non, lui ne c�derait pas au chantage de la terreur et de la m�diocrit� que se livrent le pouvoir et les islamistes dans son beau pays l�Alg�rie.
Tel �tait au d�but des ann�es 1990, le serment du jeune ing�nieur Akram Belka�d, devenu depuis journaliste et �crivain. Mais lui aussi a du rendre les armes et d�serter le pays, la �grina� au ventre, cette col�re rageuse et impuissante qu�on oppose � la �hogra�.
Apr�s dix ans d�un exil productif en France, Akram Belka�d, journaliste au prestigieux quotidien �conomique fran�ais La Tribune fait le point dans un ouvrage remarquable par la sinc�rit� de ses confessions et la pertinence de ses analyses.
Le titre lui-m�me engage le lecteur � la curiosit�.
Publi� au Seuil � Un regard calme sur l�Alg�rie � est tout d�abord un essai d�une clart� aveuglante dans la forme et d�une simplicit� p�dagogique in�dite. L�auteur nous prend par la main pour nous conter vingt ans de sa vie entrem�l�s aux errements du pays. L�exploit de l�auteur et la saveur de son livre reposent sur l�alternance entre les anecdotes v�cues et les analyses concises sur les causalit�s de la catastrophe et les motivations obscures des acteurs de l�ombre.
On le comprend tr�s vite, Akram Belka�d n�aime pas vraiment le pouvoir. De Boumediene � Chadli, des g�n�raux � la SM. Il ne d�douane pas pour autant les islamistes arm�s des horreurs commises et indignes du pass� alg�rien. Et pourtant, ces jeunes qui ont �t� capables d��ventrer des nourrissons et �gorger des femmes n�ont-ils pas �t� rendus fous furieux par une justice injuste, une administration arrogante et une nomenclature plus pr�occup�e de son enrichissement que du destin du pays.
Il est rare de conserver l�objectivit� d�s qu�on parle du drame alg�rien et d�s qu�on cherche les auteurs de la faillite. Dans ce d�bat, longtemps partisans de l��radication [des islamistes] et ceux de la r�conciliation se sont affront�s dans un d�bat st�rile. L�auteur garde ses distances � l��gard des positions partisanes. Il suffit, dit-il, de voir qui est tu� pour se faire une opinion. Il argue du terrain privil�gi� de la r�flexion, donne des faits accablants puis son point de vue qui, pour �tre engag�, n�est jamais extr�miste. Ses �tudes d�ing�nieur � l�Enita, une �cole militaire devenue depuis Polytechnique, lui permettent de d�monter les arcanes de la mafia politico-financi�re qui a vraisemblablement commandit� l�assassinat du pr�sident Boudiaf parce que celui-ci s��tait avis� de s�attaquer � la corruption du syst�me.
L�auteur revient �galement sur les diverses p�rip�ties de l�affaire Khalifa. Il d�monte le m�canisme n�potique qui a permis � un simple pharmacien, certes fils d�ancien ministre, de devenir milliardaire en quelques ann�es avant d��tre l�ch� et poursuivi par le pouvoir. Sans doute, parce qu�il devenait trop encombrant.
Sur le terrain de la lib�ration des femmes, il dit sa honte de voir un code r�trograde g�rer le statut des Alg�riennes malgr� ses r�centes retouches. Il montre aussi que, parfois, le conservatisme peut venir des femmes elles-m�mes.
Il est sans complaisance � l��gard des apprentis sorciers, du r�gionalisme et redonne � toutes les langues du pays, arabe, fran�ais et berb�re, leur v�ritable dimension. Il plaide pour un usage harmonieux et commun.
Il est �mouvant quand il �voque la mort de Redouane Sari, un des nombreux hommes de Science assassin�s, vraisemblablement par une main venue de l��tranger. L�auteur n�oublie pas non plus les relations internationales. Il plaide pour un rapprochement s�rieux entre Alger et Rabat pour mettre fin � la zizanie stupide qui gangr�ne les pays du Maghreb. Il rassure les Marocains : non, les Alg�riens ne passent pas leur temps � chercher � leur nuire, ils ont bien d�autres soucis.
Et en fin de compte, s�il se montre intraitable � l��gard du pouvoir, il n�accable pas l�arm�e alg�rienne. Dans un sourire, il n�est pas oppos� � ce qu�un colonel, pas un g�n�ral, prenne la t�te d�une r�volution pacifique qui nettoierait les �curies d�Augias � la mani�re de la r�volution des �illets au Portugal. Mais imm�diatement, il s�en veut de raisonner en termes de coups d�Etat.
Pugnacit� et nuance, virulence et analyse. Un m�lange hybride et tr�s alg�rien de ce vrai Baaziz de l��criture.
Djilali Bencheikh