La Tribune, 18 mars 2005
Il faut d'abord s'arr�ter sur le titre du dernier livre d'Akram Belka�d (*). Un regard calme sur l'Alg�rie, c'est mettre cartes sur table, sans col�re. Dire d'embl�e que l'on veut prendre de la distance, ne pas raviver des passions encore pr�tes � s'enflammer. Mais l'ambition de l'auteur est aussi d'ausculter les plaies toujours ouvertes de cette Alg�rie, de son histoire imm�diate (les conflits politiques, militaires ou religieux, les difficult�s socio-�conomiques) comme de son pass� pas si simple, notamment la colonisation fran�aise. Grand risque donc pour cet Alg�rien clairement amoureux de ce pays qui l'a vu na�tre, grandir, �tudier et travailler ; pour ce parfait francophone - " la langue fran�aise nous appartient aussi ", �crit-il - qui vit depuis quelques ann�es en France o� il est journaliste (� La Tribune).
Dossiers pass�s au crible
Posture de l'intellectuel donc, pour l'auteur, qui choisit l'�criture limpide sur des sujets complexes. Quand il raconte " C'est un matin de septembre 1982 que j'entre � l'Ecole nationale d'ing�nieurs et de techniciens d'Alg�rie, �tablissement militaire qui surplombe Bordj El Bahri " et poursuit " c'est un immense campus lumineux o� le vent am�ne r�guli�rement embruns et fragrances iod�es ", c'est pour mieux introduire les petits d�tails qui coincent, ici le parrainage d'Air Alg�rie, et d�noncer le r�le omnipr�sent du piston (" Passeport, emploi, bourse � l'�tranger, appartement, tout cela n�cessite un piston ").
En usant de l'anecdote, Akram Belka�d oxyg�ne les vingt chapitres tr�s denses de son livre o� les dossiers essentiels sont pass�s au crible pointu de son analyse. Du " pouvoir " alg�rien, " bo�te noire mafieuse " dont " il faut se d�barrasser ". Du mal-�tre, " L'Alg�rie �tait une nation en devenir bien avant 1830, et la colonisation n'a �t� qu'un acc�l�rateur et non un catalyseur indispensable ". Du terrorisme islamiste, " Je pense que l'expression "guerre civile" s'impose. [�] C'est rejeter le discours hypocrite du pouvoir. " Belka�d creuse le r�gionalisme, parle de la situation des femmes, de l'�conomie, de la religion, des malentendus franco-alg�riens ou encore de la violence (chapitre tr�s fort). Sa montagne d'arguments met parfois le lecteur dans l'embarras. Comme si l'auteur refusait de choisir dans cet inventaire sans complaisance.
Jean-Pierre Bourcier
(*) " Un regard calme sur l'Alg�rie ", d'Akram Belka�d. Seuil, 285 pages, 21 euros.